
Ce soir, il faisait encore chaud. J’ai pris mon vĂ©lo et je suis descendu voir Notre Dame. Je rentrais tranquillement, parce que c’Ă©tait une jolie nuit dâĂ©tĂ©, en chantonnant des chansons dâamour. Je passe par le Parc de La Villette, et du coin de l’oeil, je vois un couple qui s’embrasse. Des cheveux longs et blonds, une petite silhouette brune. Et un groupe de jeunes hommes qui s’approchent dâeux.
ça fait sonner une alarme dans ma tĂȘte, je ralentis, j’hĂ©site Ă revenir en arriĂšre, je me dis, ça a l’air dâĂȘtre un couple hĂ©tĂ©ro, ça devrait aller pour eux, non? Y’a dâautres gens autour. Mais ça pouvait ĂȘtre des lesbiennes? MĂȘme si c’est des hĂ©tĂ©ros, en fait. Je freine et je fais demi tour.
Ils sont toujours au mĂȘme endroit, mais le petit brun est passĂ© devant, son ami, je comprends que ce sont deux jeunes pĂ©dĂ©s. Les jeunes hommes sont en train de faire des remarques agressives, homophobes. Je reste sur la piste, les relous me remarquent, et me demandent ce que je veux. Je les ignore et je demande au couple s’ils sont ok. Le blond, visiblement soulagĂ©, mais combatif, comme son ami, me dit : «Non ça va pas, ils nous sortent leurs conneries homophobes.»
Les agresseurs s’Ă©nervent, et redirigent leur colstĂšre vers moi, de quoi je me mĂȘle, je les connais pas, ça leur est visiblement insupportable qu’on puisse les interrompre. Un homme traverse la rue et commence Ă discuter avec les jeunes gens, il peut se le permettre, il n’est pas accusĂ© de jouer les super-hĂ©ros, probablement parce qu’il n’a pas l’air homosexuel, lui.
Un peu au mĂȘme moment, un ami avec un chien vient saluer le groupe, ils sont toujours Ă©nervĂ©s, mais un peu merdeux, et commencent par se plaindre que je les ai provoquĂ©s. L’ami est plus ĂągĂ©, il est mal Ă l’aise, mais Ă©coute l’autre homme qui a traversĂ© la rue lui expliquer ce qu’il s’est passĂ©. C’est visiblement difficile pour lui de simplement dĂ©fendre un couple de pĂ©dĂ©s, mais c’est aussi impossible de ne pas comprendre que ses connaissances Ă©taient en train dâemmerder deux mecs qui n’avait rien fait. Du coup, il m’interpelle et me demande ce que je fous lĂ , trĂšs agressif. Je dis, je suis avec eux, en montrant les jeunes pĂ©dĂ©s, et que je ne pars pas tant qu’ils ne sont pas ok. Le jeune blond confirme que je suis avec eux, et que je n’ai absolument rien fait de provoquant ou dâinsultant. L’homme au chien s’Ă©nerve en disant qu’il faut que tout le monde arrĂȘte de parler, comme si c’Ă©tait une discussion et non une agression, comme si il y avait deux points de vue valables, dans cette affaire. Il insiste pour que tout le monde parte de son cĂŽtĂ©, les jeunes Ă©nervĂ©s s’en vont. Je lĂšve la main et dit au revoir au petit couple, le petit brun me salue en souriant, l’air soulagĂ©. Je repars Ă vĂ©lo. Je n’ai plus envie dâĂ©couter de la musique. Je rentre rapidement, parce que je n’ai pas envie de me faire suivre.
J’espĂšre que le petit couple continuera Ă s’embrasser, partout, la nuit, le jour, dans les parcs. J’espĂšre que dâautres pĂ©dĂ©s s’arrĂȘteront s’ils ont de nouveau des problĂšmes. Je ne veux pas qu’ils aient peur de s’embrasser, ou de se toucher, comme moi j’ai, encore aujour dâhui. J’ai intĂ©grĂ© ce danger, je tiens peu la main de mon amoureux dans la rue, et quand je le fais, c’est toujours extrĂȘmement conscient, ce qui gĂąche un peu la dĂ©licatesse du geste. On ne s’embrasse dans le mĂ©tro que si on peut se permettre de perdre du temps en cas de situation qui dĂ©gĂ©nstĂšre. Nous sommes dans une prison hĂ©tĂ©rosexiste, et le plus tordu, c’est que nous en sommes bien souvent les gardiens, par peur de se voir remettre dans le droit chemin Ă coup de poings. J’espĂšre que eux, ils ont sentis qu’ils n’Ă©taient pas tous seuls, en tout cas, et qu’ils n’avaient rien fait de mal. J’Ă©tais avec eux et ça m’a fait du bien, Ă moi.
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