Le discours d’une reine

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Il n’y a pas qu’en France que les lobbies catholiques traditionalistes oeuvrent pour maintenir les homos dans leur Ă©tat de sous-citoyens. En Ireland aussi, les rĂ©acs ont bien compris que la bataille se jouait aussi sur le sens des mots.

Vidéo : Discours de Panti au théùtre national irlandais, the Abbey, février 2014 (Sous-titres français disponibles).

Mon ami Cormac, qui a postĂ© la vidĂ©o sur FB, nous donne un peu de contexte pour la video ci-dessus (mĂȘme si le discours est suffisamment fort pour se suffire Ă  lui-mĂȘme): Suite Ă  des menaces juridiques Ă©manant du Iona Institute, un groupe de lobby traditionaliste, la chaĂźne publique irlandaise RTÉ a censurĂ© sur internet un Ă©pisode du Saturday Night Show local diffusĂ© prĂ©cĂ©demment (thanks Paddy for the link) dans lequel Rory O’Neill (alias Panti de son noms de drag queen) avait appelĂ© quelques-uns des membres du groupe des homophobes. Une semaine plus tard, RTÉ a diffusĂ© des excuses au groupe et payĂ© 85.000 € en «dommages».

Tout ceci parce que Panti avait traitĂ© d’homophobes des gens qui militent pour que les homos soient traitĂ©s moins bien ou diffĂ©remment que les hĂ©tĂ©ros. SommĂ©e de s’expliquer de toute part, elle a dĂ©couvert qu’aujourd’hui en Ireland, tant qu’on est pas mis en prison ou attaquĂ© physiquement, on ne peut pas se dire victime d’homophobie.

Le traitement journalistique est tout aussi hallucinant, ne parlant que l’«insulte» qu’a profĂ©rĂ©e Panti; et c’est lĂ  que se trouve le renversement sĂ©mantique le plus vicieux de l’histoire: Les victimes de l’homophobie sont donc dĂ©sormais les homophobes.

Ça ne vous rappelle rien? Exactement, ce sont les mĂȘmes mĂ©canismes que ceux employĂ©s par les ligues rĂ©actionnaires que nous voyons dans les rues françaises ces jours-ci. Tordre la dĂ©finition des mots Ă  leur avantage, en particulier concernant l’homophobie, parce qu’ils savent qu’ils n’est plus possible en 2014 d’ĂȘtre cataloguĂ© publiquement homophobe, mais qu’ils ne sont bien sĂ»r pas pour l’Ă©galitĂ©. C’est ce qu’essaye, pĂ©niblement, de faire croire les 3 pĂ©dĂ©s qu’ils ont recrutĂ© dans leurs rangs : On pourrait militer contre certains droits, sans ĂȘtre homophobes. Et bien non.

C’est comme le sexisme: Il n’y a pas de juste milieu. On ne peut pas ĂȘtre «un petit peu» homophobe. On est soit sexiste, soit fĂ©ministe. On est pour l’Ă©galitĂ© ou on est contre. ĂŠtre contre le mariage pour tous les couples, c’est ĂȘtre homophobe. Refuser la PMA aux seules lesbiennes, c’est ĂȘtre lesbophobe. Refuser des papiers aux seuls trans, c’est ĂȘtre transphobe.

Ce n’est pas aux homophobes de dĂ©finir l’homophobie. C’est Ă  nous, qui en souffrons, de le faire. C’est Ă  nous de choisir nos champs de bataille, pas Ă  eux. Encore une fois, c’est une folle qui monte au front, pour nous le rappeler.

[Edit 6/02/14]

La réaction de Dan Savage :

So consider this post a thank you note to shitty bigot John Waters and shitty bigot Breda O’Brien and all the shitty bigots at the Iona Institute. Thank you for bringing Panti Bliss to our attention. Thanks to your stupidity and Rory « Panti Bliss » O’Neill’s eloquence, Panti has gained an international following. And if you shitty motherfuckers are dumb enough to sue Panti, know this: she not only has thousands of supporters in Ireland, she has thousands of new supporters all over the world. Myself included. And we will spread the word and we will raise money and we will call you shitty fucking homophobes without a moment’s hesitation. Because you’re a bunch of shitty fucking homophobes.

Stupid Irish Homophobes and Their Big Homophobic Fail, The Stranger.

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[Edit 7/02/14]

Rue89 parle du discours de Panti, en titrant: «Je ne vous dĂ©teste pas» : le discours brillant d’une drag-queen irlandaise contre l’homophobie. Tout est dit dans ce titre : Il faut d’abord et avant toute chose rassurer les hĂ©tĂ©ros, parce que tout le monde sait que quand on l’ouvre en tant que pĂ©dĂ©, c’est toujours une agression pour les mecs hĂ©tĂ©ros, avant mĂȘme d’ĂȘtre entendable. Et toujours pour rassurer ses lecteurs, et probablement lui-mĂȘme, le journaliste dĂ©cide aussi de citer LE passage qui dĂ©responsabilise les hĂ©tĂ©ros de l’homophobie parce que «nous sommes dans une sociĂ©tĂ© homophobe», assimilant ainsi les hĂ©tĂ©ros Ă  des victimes, au mĂȘme titre que les homos. Pour parler d’un discours dĂ©nonçant la perversion de transformer les homophobes en premiĂšres victimes de l’homophobie, fallait le faire. Personne ne veut ĂȘtre le MĂ©chant de l’histoire, mais un jour, va falloir assumer. La citation tronquĂ©e choisie finissait par «Mais parfois, je me dĂ©teste moi-mĂȘme. Je me dĂ©teste parce que je me surveille lorsque je suis Ă  un passage piĂ©ton. Et parfois je vous dĂ©teste parce que vous me faites ça.» Indeed.

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(En attendant, vous pouvez toujours rĂ©pondre «Yes» Ă  ce sondage en ligne, http://aretheionainstitutehomophobic.com)

Commentaires

Une rĂ©ponse Ă  “Le discours d’une reine”

  1. Avatar de paddy Sherlock

    Voici l’extrait censurĂ© de l’interview Ă  l tĂ©lĂ©’ – RTE1 (chaĂźne de tĂ©lĂ©vision publique irlandaise)

    http://www.dailymotion.com/video/x19q67h_rory-oneill-the-saturday-night-show-11-1-2014_gaylesbian?start=4

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