Cahuzac et la presse

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MĂ©diapart avait raison, Cahuzac a menti. Il prĂ©sente aujourd’hui ses excuses (sur son site web et dans un ordre bien particulier).

Le Président > le Premier Ministre > le gouvernement > les parlementaires > ses électeurs > les Français et les Françaises > ses collaborateurs > ses amis et sa famille.

 » JĂ©rĂšme Cahuzac: les excuses Ă  l’amĂ©ricaine, Slate.fr.

Il sait que ses mensonges vont avoir des consĂ©quences graves pour Hollande. Eva Joly et Joseph MacĂ©-Scaron s’entendent sur le chiffre 3 ; Trois « dĂ©flagrations » pour MacĂ©-Scaron, trois « leçons » pour Joly (cette derniĂšre signant une chronique dans LibĂ©ration le 21 mars, donc avant l’aveu) :

Reprenons : la premiĂšre dĂ©flagration est, sans conteste, la dĂ©bĂącle totale, absolue, brutale de la parole politique. On sait depuis longtemps que les politiques, tout comme les journalistes, mais avec des consĂ©quences bien plus importantes, ont un discours dĂ©monĂ©tisĂ©. Et ce, parce qu’ils sont Ă  des annĂ©es-lumiĂšre de la vie quotidienne des Français, parce qu’ils sont jugĂ©s impuissants Ă  juguler la grande crise qui frappe nos sociĂ©tĂ©s industrielles depuis 2008, parce qu’ils ne mettent pas en accord leurs paroles et leurs actes et parce qu’ils paraissent incapables de tracer un chemin, de proposer des solutions qui ne soient pas des rustines techniques sorties d’une boĂźte Ă  outils idĂ©ologique

Cahuzac, la triple déflagration, Joseph Macé-Scaron, Marianne.

C’est la deuxiĂšme leçon de l’affaire Cahuzac. La bombe Ă  fragmentation du «Tous pourri» est dĂ©goupillĂ©e. L’arrivĂ©e de la gauche au pouvoir n’aura pas permis de rĂ©duire la distance entre le peuple et ses reprĂ©sentants. La crise dĂ©mocratique s’accentue. Nous sommes en train d’échouer Ă  mettre en place la rĂ©publique exemplaire que des millions de femmes et d’hommes attendent. Ceux qui prĂ©tendent que ce chantier n’est pas urgent ne comprennent rien Ă  la pĂ©riode. La question de la rĂ©forme dĂ©mocratique de notre rĂ©publique est l’Ă©picentre de la crise que nous traversons. Le succĂšs transalpin de Beppe Grillo devrait suffire Ă  alerter. Le discrĂ©dit de la classe politique ouvre la porte Ă  toutes les aventures.

 » Les trois leçons de l’affaire Cahuzac, Eva Joly, LibĂ©ration.

Dans ce texte, Joly insiste sur le coeur du l’histoire : Le rĂŽle de la presse.

Ce dernier a Ă©tĂ© mal inspirĂ© de suivre les conseils de ceux qui l’ont enjoint de tenir bon. Sa dĂ©fense s’en trouve amoindrie, avec le sentiment qu’il a tentĂ© d’utiliser l’administration dont il avait la tutelle pour couvrir une faute supposĂ©e. Le voilĂ  devenu un coupable tout dĂ©signĂ© pour le tribunal le moins indulgent qui soit, celui de l’opinion. C’est pourtant pour garder les faveurs de cette derniĂšre que l’ex-ministre a menĂ© une bataille d’une violence inouĂŻe contre Mediapart, conseillĂ© par des professionnels de la lutte de caniveau. Le storytelling est souvent l’ennemi de la vĂ©ritĂ©.

Plus que jamais, une information libre et indĂ©pendante est nĂ©cessaire. Parce que information et communication s’affrontent dans une lutte sans merci. L’objet de cette lutte est la dĂ©mocratie : si l’exigence de vĂ©ritĂ© quitte notre horizon, c’est le pacte rĂ©publicain qui s’en trouvera mortellement blessĂ©.

S’il fallait pourtant extraire de cette triste affaire quelque chose de positif, c’est que la presse, et en particulier la nouvelle presse, a fait son travail et nous amĂšne vers plus de justice. La presse peut ĂȘtre un contre-pouvoir efficace. Pour moi, c’est la leçon de l’affaire. La presse web fait (bien) le boulot que la presse traditionnelle ne sait plus faire.

Une pilule pas facile Ă  avaler pour certains journalistes « traditionnels », comme Jean-Michel Aphatie, qui ont prĂ©fĂ©rĂ© taper sur Mediapart —en partie parce que c’est un nouveau mĂ©dia web, en partie par aveuglement— que de chercher la vĂ©ritĂ©. Jean-Michel Aphatie qui refuse aujourd’hui de reconnaĂźtre son erreur :

Pour le politique JĂ©rĂšme Cahuzac, les images en boucle de ses mensonges Ă  la tĂ©lĂ©vision, devant les camĂ©ras des radios, Ă  l’AssemblĂ©e nationale, sont terribles.
Pour le journaliste Jean-Michel Aphatie, les chroniques sur RTL, dans Le Grand Journal ou la litanie de ses tweets assassins n’auront pas la mĂȘme consĂ©quence, mais seront elles aussi sans pitiĂ©.
Depuis hier, ils sont nombreux Ă  remonter le fil de son compte Twitter, Ă  prĂ©parer des compilations vidĂ©o de ses chroniques, pour le mettre devant son erreur. Cela sera fait, encore et encore. Si Jean-Michel Aphatie avait un peu plus compris ce nouveau monde, s’il en avait intĂ©grĂ© les nouvelles dimensions, il se serait sans doute montrĂ© un peu plus prudent dans son attaque systĂ©matique du travail de Mediapart, dans ses duels par tweets interposĂ©s avec les uns ou les autres, dans ce ton mĂ©prisant qui part du principe que le travail des sites d’infos est forcĂ©ment mauvais, puisque c’est du web…

 » Jean-Michel Aphatie, ou le syndrome journalistique du mea culpa honteux, Erwann Gaucher.

Ne peut-on pas vous reprocher d’avoir donnĂ© plus de crĂ©dit Ă  la parole de JĂ©rĂšme Cahuzac qu’Ă  l’enquĂȘte rĂ©alisĂ©e par Mediapart ?
C’est vrai, je suis le seul kamikaze Ă  m’ĂȘtre interrogĂ© sur le travail de Mediapart, dont l’enquĂȘte publiĂ©e le 4 dĂ©cembre Ă©tait selon moi inaboutie. C’est logique que tout le monde me tombe dessus maintenant. Nos reprĂ©sentants publics ont une prĂ©somption de moralitĂ©. JĂ©rĂšme Cahuzac est un menteur comme je n’en ai jamais vu. Quand on affirme les yeux dans les yeux au prĂ©sident de la RĂ©publique, au Premier ministre et Ă  la reprĂ©sentation nationale qu’on n’a jamais dĂ©tenu de compte Ă  l’Ă©tranger, c’est trĂšs grave. Et un scandale retentissant, dont on va percevoir dans les jours qui viennent toute l’Ă©tendue des dĂ©gĂąts au niveau politique.

Quand mĂȘme, votre crĂ©dibilitĂ© journalistique en prend un sacrĂ© coup…
C’est vous qui le dites. J’estime que ma crĂ©dibilitĂ© n’est absolument pas remise en cause. Quand le JDD Ă©crit il y a quelques semaines que « la Suisse blanchit Cahuzac », que rĂ©clame Mediapart ? Des preuves ! On m’accuse d’avoir dĂ©fendu les puissants dans cette affaire, alors que j’ai dĂ©fendu une conception du journalisme.

 » Jean-Michel Aphatie : Ma crĂ©dibilitĂ© n’est pas remise en cause, TĂ©lĂ©rama.fr.

Effectivement, Jean-Michel Aphatie dĂ©fend une certaine conception du journalisme. Qui n’est pas celle dont nous avons besoin. Je prĂ©fĂšre m’abonner Ă  MĂ©diapart.

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