
«On sortait dâun dĂźner arrosĂ© avec des amis.On marchait bras dessus, bras dessous vers le mĂ©tro Ourcq. Pas de façon homo. On avait passĂ© une trĂšs bonne soirĂ©e, on en parlait. Un peu fort peut-ĂȘtre. LĂ , j’ai entendu : Ah des homosexuels ! Je me suis pris un premier coup dans les yeux. Je me suis protĂ©gĂ©, mais en tout, je me suis pris six coups.
[…] ça a Ă©tĂ© une dĂ©ferlante de haine. trĂšs violente. J’ai vu mon compagnon Ă terre, sa tĂȘte Ă©tait devenu un ballon de football, j’ai hurlĂ© DĂ©gagez !, ils sont partis en courant.»
 » Wilfred et Olivier agressĂ©s Ă Paris: «Voici le visage de l’homophobie», Rue89.com.
Je suis mĂ©fiant. Je n’aime pas les rĂ©actions Ă chaud et les jeux sur l’Ă©motion. Ce n’est pas la premiĂšre agression homophobe, et ça ne sera pas la derniĂšre. Un exemple parmi tant d’autre, en 2009, on a aspergĂ© un homme d’essence sur un lieu de drague, avant de l’enflammer.
Mais, comme dans le cas des personnes homos qui ont dĂ©cidĂ© de mettre fin Ă leurs jours derniĂšrement autour de nous, difficile de ne pas relier ça au climat infect entretenu par les opposants homophobes Ă l’ouverture du mariage pour les couples de mĂȘme sexe. Nous sommes dans un aquarium viciĂ©, tournant en rond en essayant d’Ă©viter les flaques d’eau polluĂ©es laissĂ©es par des opposants Ă moitiĂ© fou Ă lier. Certains, certaines n’y arrivent pas.
Ăa fait des mois qu’on se rĂ©veille en entendant ces pantins de l’UMP et de l’Ă©glise catholique nous chier Ă la gueule. J’Ă©touffe, et pourtant je suis costaud, je suis militant, je suis entourĂ©. Mais Ă force de nager en eaux troubles, c’est de plus en plus dur de se rappeler que ces exactions sont le fait d’une extrĂȘme minoritĂ© de personnes qui cherche Ă
dĂ©stabiliser le gouvernement (cf. le GUD), que l’Eglise catholique et ses sbires jouent ici leur derniĂšre carte avant de devenir une minoritĂ© comme les autres en France. Et comme le terrorisme est efficace, on commence Ă prendre peur :
– Mercredi 3 avril, des visuels du GUD font la promotion des violences physiques Ă l’encontre des personnes LGBT (lesbiennes, gay, bi et trans).
– Jeudi, la sĂ©natrice Chantal Jouanno est chahutĂ©e Ă son propre domicile.
– Vendredi, un dĂ©bat auquel devait participer le dĂ©putĂ© Erwann Binet est annulĂ© en raison des menaces pesant sur sa sĂ©curitĂ©.
– Samedi, le vĂ©hicule de la sĂ©natrice Esther Benbassa est dĂ©gradĂ©.
– Samedi, un couple de gays est physiquement et violemment agressĂ© dans les rues de Paris.
– Dimanche, l’espace des Blancs-manteaux Ă Paris oĂč se tient le Printemps des associations organisĂ© par l’Inter-LGBT est vandalisĂ©, recouvert dâaffiches du collectif « Manif pour tous ».
– Lundi, un dĂ©bat auquel devait participer le dĂ©putĂ© Erwann Binet est Ă©galement annulĂ© pour les mĂȘmes raisons.
 » AprÚs la semaine Sainte, la semaine des violences homophobes, SOS Homophobie.
Hier, je n’ai pas embrassĂ© Nico dans le mĂ©tro pour lui dire au revoir, juste aprĂšs lui avoir dit qu’il ne fallait pas succomber Ă la terreur face aux terroristes, parce que sinon, ils avaient gagnĂ©. Et je lui ai demandĂ© de m’envoyer un message quand il serait arrivĂ© parce qu’il habite dans le XIXe, lĂ oĂč Wilfred et son mec se sont fait tabasser. J’ai la tĂȘte qui tourne quand je pense que ça pourrait lui arriver (et si il lui arrive quelque chose, je n’ai aucune institution pour me protĂ©ger parce que nous ne sommes pas mariĂ©s, tout est liĂ©, hein). J’ai honte d’avoir modifiĂ© âinconsciemment, en partieâ mon comportement Ă cause de la peur et aujourd’hui, je suis de mauvaise humeur.
Ce qui me saute Ă©galement aux yeux, c’est le terrible parallĂšle avec les agressions âet les violsâ concernant les femmes. Des flics qui disent qu’ils auraient du prendre un taxi, des commentateurs qui disent qu’ils auraient faire plus attention, des hĂ©tĂ©ros qui viennent t’expliquer du haut de leurs privilĂšges qu’il faut garder le sang froid. Les mĂȘmes conneries, les mĂȘmes violences qui entretiennent les mĂȘmes effets, qui te rappellent que la rue n’est pas Ă toi, que le mariage n’est pas Ă toi, que la France n’est pas Ă toi. La culture du viol, dĂ©clinĂ©e pour les actes homophobes. Va chier.
Ce n’est pas ce que j’attends de ta part, camarade. Ce que je veux, comme rĂ©action des mecs (en particulier hĂ©tĂ©ros), c’est ça :
Wilfred, tu as Ă©tĂ© agressĂ© par une France qui est persuadĂ©e qu’autoriser le mariage entre homos, c’est la porte ouverte Ă la pĂ©dophilie, la zoophilie, et Ă des accidents nuclĂ©aires sans prĂ©cĂ©dents dans les quatre coins du monde.
Tu as Ă©tĂ© agressĂ© par une France catholique mais pas que, une France de droite mais pas que, une France riche mais pas que : tu as Ă©tĂ© agressĂ© par la France. Point. Par nous tous. Et surtout par moi. Je t’ai agressĂ©. Je suis de fait cette France qui met des serre-tĂȘtes mais qui ne doit pas ĂȘtre rĂ©sumĂ©e Ă cela parce que ce serait caricatural, je suis cette France responsable qui passe son temps Ă te juger, cette France qui te regarde d’un drĂŽle d’air dans le mĂ©tro, les bus, parce que parfois, tu parles un peu trop haut, un peu trop aigu, avec un peu trop de ce rien dans la hanche ou bien avec un peu trop de rien du tout.
Je suis cette France qui te crache dessus, qui te montre du doigt et te traite comme un chien mais qui n’est pas homophobe, non, cette France qui manifeste pour qu’on t’enlĂšve des droits lĂ oĂč gĂ©nĂ©ralement le reste du monde manifeste pour en acquĂ©rir.
 » Wilfred, Alban Orsini, Vents Contraires.
Wilfred et son mec, nous, ne sommes coupables de rien. C’est l’entretien du sexisme et de l’homophobie qui est responsable des violences, verbales et rĂ©elles, Ă notre encontre. La France est au moins autant Ă nous qu’Ă ses connards, le mariage aussi. Et, folles ou femmes, la rue est Ă nous.
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