Queer : Lost in translation?

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Alors voilĂ , un des plus gros apport des thĂ©ories queers et fĂ©ministes qui a coĂŻncidĂ© avec l’Ă©mergence des mouvements trans et intersexes, est d’avoir dĂ©collĂ© les couches sexuo-genrĂ©es, tenues jusque lĂ  pour «naturelles et normales», des individus en un Ă©chafaudage alĂ©atoire Ă  trois Ă©tages, ou bien un billard Ă  trois bandes ou encore un jeu de lĂ©go Ă  trois piĂšces.

D’abord le sexe de naissance, le sexe gĂ©nital. C’est mĂąle, femelle ou intersexe.
Puis le sexe social, c’est homme ou femme (ou intersexe). C’est le sexe avec lequel on s’identifie dans et par la collectivitĂ©.
Et puis le genre, celui de la culture C’est le masculin et le fĂ©minin (ou l’intergenre).

Trois catĂ©gories qui fonctionnent, un peu comme les dons des trois fĂ©es de la Belle au bois dormant, de maniĂšre relativement autonomes ce qui ne signifient pas qu’ils ne vont pas pouvoir interagir entre eux. Je dĂ©velopperai des exemples un peu plus loin si vous voulez bien.
Or en anglais le gender est tout Ă  la fois male ou female mais aussi le rĂŽle social man ou woman ou bien(mais il me semble plus rarement) l’identitĂ© de genre, masculinity et feminity.
A la question what is your gender ? on rĂ©pondra facilement male ou female par exemple. Cette capacitĂ© enveloppante du gender anglais a permis l’Ă©mergence de catĂ©gories transgenders (et puis genderqueers, genderfucker, etc). Avec un parcours female to male par exemple on s’inscrit dans une identitĂ© transgender les trois catĂ©gories sexe gĂ©nital, sexe social et genre ne faisant qu’un en anglais.

En langue française , genrĂ©e et sexiste Ă  souhait s’il faut le rappeler, genre -qui en plus d’ĂȘtre un marqueur linguistique, bĂ©nĂ©ficie d’une signification supplĂ©mentaire autours des notions d’allure, ou de catĂ©gorie culturelle- ne se ballade pas aussi aisĂ©ment de l’une Ă  l’autre des deux autres catĂ©gories, et se distingue mĂȘme fortement du sexe social homme ou femme , le sexe biologique mĂąle ou femelle lui relevant quasi exclusivement de l’usage vĂ©tĂ©rinaire. Ainsi le female to male sera au mieux interprĂ©tĂ© par l’acronyme FTM mais toujours traduit par de femme Ă  homme et non par de femelle Ă  mĂąle. On voit ainsi le processus trĂšs français de masquage du sexe biologique au profit du sexe social qui lui mĂȘme tend de plus en plus Ă  ĂȘtre englobĂ© par le genre de la traduction de gender alors mĂȘme que dans cette affaire de parcours FTM ni le fĂ©minin ni le masculin ne sont invoquĂ©s.

 » ÉchappĂ©es belles, Lalla Kowska RĂ©gnier.

Difficile de choisir un morceau en extrait, ça vaut le coup de lire le texte si vous vous intĂ©ressez au queer. Lalla a l’habitude de dire ce que personne n’attend, avec sa libertĂ© et sa grande gueule et c’est pas la peine d’ĂȘtre d’accord sur tout pour en tirer des Ă©lĂ©ments de rĂ©flexion.

J’ai toujours eu beaucoup de mal avec les versions françaises de la thĂ©ories queer et Lalla a probablement mis le doigt sur quelque chose d’essentiel: La traduction ne peut ĂȘtre littĂ©rale. Personnellement, en anglais, je suis queer, mais en français, je suis pĂ©dĂ©; Ces deux termes Ă©voquant pour moi le mieux la volatilitĂ© des genres que je sens tourbillonner en moi.

Ce texte fait aussi Ă©cho aux discussions que j’ai eu derniĂšrement avec des (gentils) hĂ©tĂ©ros sur l’utilisation de « cis » ou « bio », des termes nouveaux pour certains d’entre eux, et l’importance de trouver les mots pour se dire.

Sinon, pour le plaisir, ma phrase préférée du texte :

Et puis franchement qui cherche Ă  ĂȘtre subversif aujourd’hui? Pardon mais c’est un souci d’homme blanc bio hĂ©tĂ©rosexuel comme Eric Zemmour, Brice Couturier ou les reprĂ©sentants de la droite dĂ©complexĂ©e ça.

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